Les nouvelles technologies connectant tout à tout, nous demeurons toujours sur le qui-vive, autrement dit sous la pression, ne laissant pas de répit, de l'événement. Bref, sous cet effet d'accélération, nous ne trouverions plus de retrait, dans nos vies, pour mûrir plus lentement nos désirs et nos décisions. Voilà qui fait partie de ces évidences irrécusables, trop massives pour qu'on ne prenne pas plaisir à les ébranler. On « ne voit plus le temps passer ». Mais précisément : comme on le répète à tout propos, qu'on s'en sert de justification à tout, qu'on l'assène comme une évidence, cela en devient suspect.Aussi, face à cette obsession occidentale vis à vis du temps, prenons du recul. Souvenons-nous, par exemple, qu'une culture extérieure à l'Europe, telle la chinoise, n'a pas pensé le « temps », mais la « saison » (le moment) d'une part, la « durée » de l'autre. Car la langue chinoise ne conjugue pas. Car les Chinois n'ont pas pensé l'éternel, mais le sans fin ou l' « inépuisable » du fonds des choses. Car ils ont abordé ce que nous appelons la nature en termes de facteurs corrélés et de polarité, et non de corps en mouvement. Ils ont donc dû traduire « temps » dans leur langue, quand l'Occident est venu chez eux : l' « entre-moments » ; mais cela ne les a pas empêchés, pour autant, d’écrire l'histoire comme de se préoccuper du calendrier.